« Voici ! Je vous montre le dernier homme.
« Amour ? Création ? Désir ? Etoile ? Qu’est cela ? » — Ainsi demande le dernier homme et il cligne de l’œil.
La terre sera alors devenue plus petite, et sur elle sautillera le dernier homme, qui rapetisse tout. Sa race est indestructible comme celle du puceron ; le dernier homme vit le plus longtemps », Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra.
Lassés du presque-rien brassé, des gesticulations et rodomontades verbeusement nihilistes que nous servent l’art moderne et l’art contemporain depuis un bon siècle maintenant, nous avons décidé de créer ce blog, plutôt que de nous en tenir à l’indifférence qui n’est qu’un laisser-faire et laisser-dire. Il y a une bonne part de rire moqueur, mais pas que. Une bonne part de rage, d’agacement réels face à l’écran de fumée que représente ce prétendu art qu’on labellise « art contemporain » et qui, justement, occulte ce qu’il y a de plus intéressant dans la création contemporaine, et cela depuis des décennies.
Of course, quand il entend rire de l’art, l’orthodoxe qui a bien appris sa leçon, celle de l’histoire des maîtres, pensera au rire du public, que rapporte Zola, devant les impressionnistes… Peut-être nous révèlera-t-il que nous ne sommes que des « fachos » qui s’ignorent, car être contre l’art contemporain, c’est déjà penser « Entartete Kunst ».
Soit ! N’importe : c’est tellement prévisible, tellement bas qu’il n’y a qu’à balayer d’avance, d’un revers de main désinvolte, ce type de propos. Et nous choisissons plutôt, devant cette inépuisable réserve de sottise prétentieuse qu’est le monde de l’art, devant tant de forfanterie conceptuelle, d’autisme intellectuel et d’acrobaties verbales, de rire et d’inviter gaiement les rieurs à en faire autant. Et à se rendre dans les galeries et RIRE.
Il s’agit surtout d’inviter à ne pas se soumettre à ceux qui prétendent que les contempteurs sont seulement ceux qui ignorent les tenants et aboutissants intellectuels. Refuser cet académisme snobinard. Comprendre que l’art contemporain agit comme une idéologie, avec ses valeurs, son élasticité conceptuelle, son relativisme, ses pensées-réflexes, codes, modes de transmission. Il est possible, légitime, de comprendre l’art contemporain et de le rejeter. Rejeter Duchamp (et surtout sa descendance, qui n’a rien compris, croyant que dans son sillage il était devenu possible de montrer n’importe quoi, ce qu’il n’a guère approuvé, comme il le disait lui-même) n’équivaut pas à rejeter Galilée, Newton ou Darwin : l’art n’est pas une science et l’histoire est un combat contre la perpétuelle tentative d’appropriation de ceux qui dominent et décident ce qui doit être porté à la lumière ou relégué dans l’ombre de l’histoire.
Il n’est question ici que de mettre en évidence des « œuvres » qui n’en sont pas, des démarches, des personnages, une glose, des textes, des anecdotes qui toutes conspirent à dessiner un panorama – fatalement non exhaustif – de « l’art contemporain », que je nommerai ici « non-art », à la suite de Kostas Mavrakis (cf. son blog et son site personnel), ou encore « art contempourien », selon un jeu de mots répandu et volontiers dévalorisant.
Toutes les « œuvres » ici exposées, relatées, analysées, sont des symptômes de l’« art contemporain » en tant qu’il est une idéologie, autorisant des personnes se pensant « artistes » à effectuer tel geste, telle action, à exposer tel objet, ou encore les médiateurs, curateurs, « critiques », journalistes et autres à écrire et dire tel ou tel propos.
L’objet, surtout, consiste à démontrer que le rejet de l’« art contemporain » est légitime, voire à décoloniser les esprits intimidés par les sornettes nihilistes de la théorie moderniste et postmoderniste.
Christophe Cadu-Narquet said,
14 février 2012 à 1:25
Étant moi-même à l’origine d’un lieu dont la vocation est, depuis dix ans, la défense des artistes qui, bien que vivant en région, se situent dans une longue filiation humaniste respectueuse des traditions et du savoir- faire mais qui ne rejettent pas l’innovation créative,
toujours impliqué et actif dans sa programmation, j’aimerais savoir qui se cache(nt) derrière ce blog. Merci d’avance de votre franchise.
PS- Je consulte ce blog pour la première fois sur les conseils de Nicole Esterolle (chronique n°24), et j’apprécie la pensée et les réalisations de de Jean Clair.
blablartcontempourien said,
15 février 2012 à 10:50
Monsieur, bonjour et merci pour votre commentaire.
Qui se cache(nt) derrière ? demandez-vous. Je ne peux vous répondre sans risquer de trop en dire, mais cela se résume simplement : il nous faut garder l’anonymat pour obtenir ce que nous souhaitons obtenir.
Toutefois, si vous avez des questions, remarques et propositions, c’est volontiers que nous vous répondrons. Notre hostilité n’est pas une haine ; notre point de vue n’a pas la prétention d’être le seul. Nous défendons combativement une certaine idée de l’art : évidemment, ce blog est surtout ANTI, ce qui ne nous empêche pas de défendre positivement divers artistes (il est possible que nous créions une rubrique « Ce que nous aimons »). Cela n’empêche pas que nous comprenons la structuration historique de l’orthodoxie de l’art, de l’histoire officielle, et de ce que tout un chacun, dans le monde de l’art, tient pour acquis. Surtout, nous considérons que l’art n’est pas un domaine indépendant de la vie, non pas selon cette sotte idéologie consistant à « effacer la frontière entre l’art et la vie » qui court de dada et des constructivistes jusqu’à Beuys et au-delà, mais dans ce sens que l’art n’est pas un domaine replié sur lui-même : il s’analyse en rapport avec les dynamiques de civilisation dans lesquelles nous sommes collectivement engagés. Une différence majeure, nous concernant, avec les prétendus « réacs » qui parlent eux aussi volontiers de civilisation (et que nous rejoignons sur bien des points) : nous ne désirons aucun retour en arrière vers la hiérarchie des genres et un art dont les codes dont la modernité a accéléré la péremption. Nous souhaitons seulement faire table rase des académiciens de la table rase, des académiciens de la subversion sous subvention (comme disent plusieurs critiques bien connus). Nous souhaitons accélérer la péremption et la mort de ce prétendu art qui n’en est pas un, mais qui est un académisme d’une sordide stupidité, bien supérieure d’ailleurs à l’académisme des Pompiers que par récitation il est de bon ton de railler sans examen.
Cet « art contemporain » qui a usurpé le mot « art » doit mourir tout comme le monde qui l’a engendré : celui de ce libéralisme « double » dont parle Jean-Claude Michéa, et qui est le cancer de nos sociétés. Le cancer du « Moi-je » primant le « Nous ».
Cordialement,
Blablart.
Mithra said,
17 avril 2012 à 8:10
La matrice de l’ « art » contemporain est la subversion gauchiste c’est-à-dire cette tentative de destruction généralisée -l’ « égalité », c’est-à-dire la mort.
Elle se nourrit de la subvention, redistribution aux nihilistes-destructeurs- de l’argent volé aux producteurs.
Le libéralisme, qui demande simplement qu’on arrête de voler (c’est sa seule et unique revendication) n’est en aucun cas son ami, mais au contraire son ennemi le plus mortel.
blablartcontempourien said,
13 août 2012 à 2:18
Mithra, votre commentaire mérite l’admiration. Débiter un tel monceau d’inepties en seulement une centaine de mots relève de l’exploit. Il me faudrait à coup sûr vous pondre une vingtaine de feuillets pour vous démontrer la prodigieuse idiotie de votre propos.
La matrice de l’art contemporain, d’abord, n’est pas UNE : elle est plurielle. Car l’art contemporain n’est pas un bloc ; c’est un « archipel », comme disait Onfray. Parmi LES « matrices », on trouve les avant-gardes des années 10-20-30, que ce soit dans leur versant matérialiste ou spiritualiste. Dans tous les cas, un point commun : l’arbitraire, le délire verbal pour expliquer-justifier la pauvreté de formes et l’absence de sens intrinsèque.
Mais on peut remonter plus loin. Au fond, la dynamique globale de l’art moderne, plus tard amplifiée par l’art contemporain, est une dynamique à la fois romantique et libérale-libertaire. Romantique en ce que le mythe du génie exhausse le créateur au rang de l’être supérieur, pénétré, du prophète laïque. Libéral-libertaire en ce qu’il postule – et cela est corrélé – que l’individu, càd sa perception, son monde intérieur, son bon-vouloir sont l’alpha et l’oméga et que le JE et donc l’égoïsme doit primer sur le NOUS càd la société.
J’irais même jusqu’à dire que fondamentalement, l’art moderne et la conception même de l’art à l’époque contemporaine (je parle de l’époque historique au sens académique, càd de 1789 à nos jours), sont libéraux. Non pas au sens restrictif où vous semblez l’entendre (arrêter de voler, càd pour vous arrêter de percevoir des impôts, sans doute — on devine l’imbécillité antifiscaliste dans votre phrase) càd au sens économique, mais au sens socio-culturel. Car, tout comme le libéralisme économique prône un refus des limites, des frontières et des lois (antifiscalisme, libre-échangisme, rejet du code du travail, rejet des syndicats et, in fine, de tout élément démocratique opposant des limites à l’individu), le libéralisme socio-culturel prône un refus des limites, un refus des codes, une indifférence à autrui.
Il n’y a pour moi aucune différence de fond entre le patron libéral d’une entreprise qui pour engraisser ses potes actionnaires choisit de mettre sur le carreau 200 employés, et un « artiste » qui s’amuse à provoquer gratuitement des braves gens qui n’ont rien demandé.
Vous dites que l’art contemporain se nourrit de la subvention. Il faudra que vous m’expliquiez quelle est la place de subventions dans les collections de richissimes philistins comme Saatchi, Yvon Lambert ou Pinault. Réponse : aucune.
Vous prétendez que le libéralisme « demande simplement qu’on arrête de voler ». Si vous parlez de libéralisme économique, je crois que vous n’avez décidément rien compris à ce qu’est ce système économique. C’est un système brutal organisant le vol, l’exploitation, la destruction des protections et garanties de dignité que peut offrir l’Etat (enseignement, police, hôpitaux et santé publique, infrastructures, pompiers…). Au lieu de répéter les imbécillités que répètent à longueur d’année les ânes qui chroniquent dans le Point ou le Figaro, renseignez-vous sur ce qu’est le libéralisme.
Moins de réglementations, plus de libertés de faire « ce que bon nous semble », cela signifie la liberté de faire n’importe quoi. De vendre des produits nocifs pour la santé (cf. l’agroalimentaire), de faire une information médiocre (télévision, radio, journaux), de faire marner des ouvriers chinois ou indiens dans des conditions d’esclavage pour un salaire de misère, au nom de la Sainte Concurrence… Allez donc voir au Mexique, au Guatemala, au Pérou, au Brésil, au Niger, ce que veut dire « libéralisme », « libéraliser », « privatiser ». Cela veut dire : enrichir des riches, précariser des pauvres, les jeter dans la misère. On n’explique pas la montée des extrêmes droites sans tenir compte du libéralisme du Parti prétendument socialiste et du libéralisme économique en général. Plus les peuples sont entretenus dans la concurrence, plus ils sont précarisés au nom de la flexibilité – qui n’enrichit jamais que les plus riches (voir le cas tjs vanté de l’Allemagne, où le taux d’emplois précaires et de personnes sous le seuil de pauvreté est proprement effarant pour un pays riche) – et plus les rancoeurs, les haines croissent. Il est d’ailleurs absurde de ne pas inclure le libéralisme économique comme source majeure de la crise de 1929 et de la guerre de 1939-1945. Et donc absurde de ne pas pointer le libéralisme économique comme source des haines d’aujourd’hui. Et tout cela va s’aggraver avec le Mécanisme européen de stabilité / TSCG, qui va causer de graves dommages sur nos sociétés.
Cela mis à part, oui il existe une question d’argent public utilisé pour les âneries de l’art contemporain. Mais cela n’a rien de gauchiste. Sauf que pour comprendre ce que c’est que le gauchisme, ou plus exactement la gauche, il vous faudrait être capable de nuances, donc il vous faudrait savoir ce que c’est que la gauche. Il vous faudrait aussi savoir qu’il existe de longue date une critique DE GAUCHE de l’art moderne et contemporain, cela depuis le XIXe siècle.
Vous semblez ne pas comprendre non plus que le libéralisme économique a pour objectif de TOUT marchandiser – l’espace public, les entreprises publiques, l’art, les corps et, pourquoi pas, l’amour – et que l’art contemporain n’en est que la preuve éclatante. Les cotes hallucinantes sur le marché de l’art de Koons, de Hirst et de bien d’autres charlatans, atteste que l’art n’est qu’un produit marchand pour les libéraux. Cela n’a rien de gauchiste. Cela s’appelle le libéralisme économique.
Lisez donc un peu au lieu de dire des âneries ou de réciter celles que vous lisez dans le Point ou le Figaro.
thierry bruno said,
28 août 2013 à 1:21
En plus du Point et du Figaro, vous oubliez L’Express, le Nouvel Obs, Libération, Marianne, les Inrockuptibles,… et je dois aussi en oublier.
Np said,
23 août 2013 à 1:03
Bonjour,
Serait il possible de vous envoyer quelques peintures afin que vous en fassiez la critique?
J’étais étudiant en école d’art contemporain, mais lassé par une vision de l’art qui relève trop souvent de la farce et de la complaisance, j’ai décidé d’arrêter.
Votre opinion m’importe.
Cordialement.
blablartcontempourien said,
11 septembre 2013 à 4:36
Bonjour,
Pourquoi pas, oui, volontiers même ; mais je ne vous promets rien quant aux délais, car je suis très pris depuis déjà quelque temps, ce qui explique, du reste, le ralentissement de l’activité sur Blablart !
=> domenico.joze[at]gmail.com
Claude Paquet said,
22 juin 2014 à 5:57
Je suis parfaitement d’accord avec votre affirmation suivante : « le libéralisme économique a pour objectif de TOUT marchandiser – l’espace public, les entreprises publiques, l’art, les corps et, pourquoi pas, l’amour – et que l’art contemporain n’en est que la preuve éclatante. » J’en ai fait même un pamphlet en art visuel. Cliquez sur le lien suivant :
https://picasaweb.google.com/112324695505201359731/MONDEAVENDRE#