Chamanes sans esprit – Le sang de l’artiste


Orgies de sang, automutilations, humiliation du corps humain, une partie de l’oeuvre des actionnistes viennois, et en particulier les travaux d’Hermann Nitsch heurtent ma sensibilité de deux manières : en tant que performances  artistiques, ces oeuvres me semblent manquer de subtilité (très peu de symbolisation), en tant que revendication politique, il ne constitue pas une voie tenable ; car si cet art veut manifester que l’homme vit dans l’abjection, il l’y enferme au lieu de lui donner les moyens d’en sortir.

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Millie Brown : de l’expressionnisme abstrait peint avec du vomi de colorants alimentaires


Dans une précédente publication, nous avions diffusé une citation de Kandinsky, où il disait notamment que « l’artiste, en général, n’a que peu à dire. Il lui suffit d’une nuance insignifiante pour se faire connaître ». En voilà une autre qui, justement, n’a rien à dire – seulement à vomir. Voilà qui pourrait figurer dans une édition augmentée du De Immundo écrit voilà déjà quelques années par ce grand et respectable homme qu’est Jean Clair. Elle s’appelle donc Millie Brown. Ne nous en demandez pas plus : on s’en tamponne. Son « œuvre maîtresse », du moins son coup de comm’ majeur, c’est le buzz sur ses toiles peintes en vomissant des colorants alimentaires qu’elle vient d’ingurgiter. Le résultat est à peu près aussi nul que du Pollock, rehaussé d’une esthétique proche des films de Matthew Barney et d’un duo lyrique (qui doit bien chanter quelque chose qu’un texte abstrus expliquera être pertinent pour telle ou telle arbitraire raison), et spectaculairement con… comme tout l’art d’avant-garde (puis « art contemporain ») nouillorcais depuis au moins Rauschenberg. Un exemple de la décadence intrinsèque de la prétendue civilisation étasunienne libérale, cette destruction de la culture au nom du principe puéril d’une liberté comme illimitation et comme « je fais ce que je veux ». Elle est loin la liberté d’esprit du siècle de Louis XV et ses hautes réalisations, et plus loin encore la liberté comprise comme autonomie des heures lumineuses de la civilisation grecque.

Michelangelo Pistoletto : casser des miroirs pour ressusciter le Centquatre


« Nous sommes au ‘Centquatre’, dans le nord-est de Paris [104, rue d’Aubervilliers, dans le XIXe arrondissement]. Son menton barbu appuyé sur l’extrémité du manche d’un maillet, Michelangelo Pistoletto contemple un grand miroir au cadre doré. Entouré par deux cents spectateurs, il se dirige soudain vers l’autre bout de la salle, où il fracasse un autre miroir qui se trouve là. Il laisse derrière lui un impact entouré de craquelures étincelantes, et les visiteurs, riant nerveusement, suivent l’artiste italien de 77 ans dans ses déplacements autour de la salle tandis qu’il fait voler en éclats plusieurs autres miroirs. Objectif de la manifestation : contribuer à ressusciter le centre d’art« , Los Angeles Times (traduit par le Courrier international, n°1062, du 10 au 16 mars 2011).

No comment (ou presque) pour Audrey Cottin au Jeu de Paume


Une si prodigieuse inanité se suffit à elle-même : il n’est pas nécessaire de commenter. On se contentera seulement de relever quelle langue mutilée parle cette « artiste » accueillie dans l’un des lieux importants de l’« art » contemporain à Paris (galerie du Jeu de Paume) : « à l’international », « au niveau de… », « puis-je soulever un de tes travails [sic] ? », le tout flottant comme des grumeaux dans l’indigeste sauce du blabla justificateur du néant. Relevons aussi cette phrase exquise : « Ensuite, l’immédiateté, je l’ai inclue [sic] dans la sculpture-objet, qui est donc un objet de performance, qui doit être activée par la foule, ou du moins l’idée de la foule, qui peut s’inscrire lui-même [sic] de soulever et d’articuler la sculpture ».

Si vous êtes capable d’exposer l’intérêt de cette performance, des propos de cette artiste, ce qui caractérise comme étant artistiques ces âneries (hormis le sempiternel alibi du contexte) ; si vous êtes capable d’exposer ce en quoi cette « œuvre » éclaire la destinée humaine, permet au spectateur de densifier le sens de son existence, de l’éclairer, de mieux habiter le monde – visible ou invisible -, d’affuter ses armes pour affronter le monde, nous serons très heureux de vous lire.

« Le temps du dégoût a remplacé l’âge du goût » (Jean Clair)


« J’ai autrefois tenté de relier entre eux les multiples aspects, dans une époque qu’on appelle désormais ‘post-human’, d’une ‘esthétique du stercoraire’ :  »le temps du dégoût a remplacé l’âge du goût. Exhibition du corps, désacralisation, rabaissement de ses fonctions et de ses apparences, morphings et déformations, mutilations et automutilations, fascination pour le sang et les humeurs corporelles, et jusqu’aux excréments, corpophilie et coprophagie : de Lucio Fontana à Louise Bourgeois, d’Orlan à Serrano, de Otto Muehl à David Nebreda, l’art s’est engagé dans une cérémonie étrange où le sordide et l’abjection écrivent un chapitre inattendu de l’histoire des sens. Mundus immundus est ? » [Jean Clair, De Immundo, Paris, Galilée, 2004, p. 60 et suivantes.]

Il y a une dizaine d’années, à New York, une exposition s’était intitulée Abject Art – Repulsionand Desires [Whitney Museum of American Art, New York, 1993]. On franchissait là un pas de plus dans l’immonde, dans ce qui n’appartient pas à notre monde. On n’était plus dans le subjectus du sujet classique, on entrait dans l’abjectus de l’individu post-humain.

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