Art américain : « aucune mémoire (…), aucun symbole, aucun sens à découvrir ni aucune émotion à sentir » (Jean Clair)


Une "oeuvre" typique de Donald Judd

« L’histoire de l’art américain, de Duchamp à l’art minimal – Don Judd, Robert Morris, Kenneth Noland, David Smith… -, évoque un art qui, inlassablement, répétera qu’il n’y a rien à lire dans les formes et dans les couleurs de la modernité advenue, aucune mémoire, aucun souvenir, aucun symbole, aucun sens à découvrir ni aucune émotion à sentir, seulement des formes et des couleurs, qui ne disent jamais rien qu’elles-mêmes : « A rose is a rose is a rose… », un bleu est un bleu est un bleu, un cube est un cube est un cube. C’était l’exemple étendu à tout un continent de ce que Duchamp avait appliqué à ses petites constructions singulières, « une sorte de nominalisme pictural » avait-il écrit, une tautologie aussi obstinée que celle qui avait été le principe, si peu de temps auparavant, de l’invention du taylorisme et des objets produits à la chaîne, une Ford T est / une Ford T est /une Ford T…

Au diable Ronsard et sa nostalgie, au diable Proust et son ciel de Combray, si singulier ce jour-là et à cette heure, au diable Platon et son Beau idéal, au diable le Vieux Continent et ses fantasmagories… Il n’y a de bonne modernité, de modernité efficace et pratique, qu’une modernité amnésique ».

Jean Clair, L’hiver de la culture, éd. Flammarion/coll. Café Voltaire, 2011.

Grosz et Herzfelde : le « Bauhaus ivre de romantisme technique »


« Les meubles du Bauhaus de Weimar sont sans doute construits de façon pertinente. Et pourtant, on s’assied plus volontiers sur bien des chaises produites en séries et anonymement par des menuisiers – car elles sont plus confortables que celles conçues par un constructeur du Bauhaus ivre de romantisme technique ».

L’ensemble d’essais L’Art est en danger de George Grosz et Wieland Herzfelde a paru aux éditions Malik Verlag à Berlin, en 1925. Il donne son titre à ce volume qui comprend également La canaille de l’art de George Grosz et John Heartfield et enfin Sur le photomontage du militant et philosophe Günther Anders. Traduit de l’allemand et précédé de «  »Œil armé » & monstres photogéniques » par Catherine Wermester. Avec des dessins de George Grosz et des photomontages de John Heartfield.

Takashi Murakami, ou la « culture superplate »


« Le fossé entre cultures haute et basse a presque disparu. Dans un sens littéral, on a assisté à l’émergence d’une culture ‘superplate' », Takashi Murakami.

In 100 Contemporary Artists, éd. Taschen, 2011.

Terence Koh, ou la « poétique de la perte »


« Alors que ses déclarations publiques revendiquent un narcissisme décadent, ses oeuvres passées – périssables en raison des matériaux utilisé comme le lubrifiant, la salive, le sperme ou le chocolat – pourraient suggérer une poétique de la perte plus fragile qu’elles ne le laisseraient croire. A l’inverse, sa prétentieuse installation God (2007) suggère les prémices d’une auto-déification ».

In 100 Contemporary Artists, éd. Taschen, 2011.

Albert Camus : « L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire »


« Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n’ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S’il m’est nécessaire au contraire, c’est qu’il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne pas se séparer ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d’artiste parce qu’il se sentait différent apprend bien vite qu’il ne nourrira son art, et sa différence, qu’en avouant sa ressemblance avec tous. L’artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. C’est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et s’ils ont un parti à prendre en ce monde ce ne peut être que celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne règnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel », Albert Camus, discours de réception du prix Nobel, 1957.

« Older entries